De Trincomalee à Sigiriya, ne circulent que de vieux trains qui paraissent avoir traversé les âges. La vieille micheline en taule noire, avec son grand feu arrondi, traîne péniblement une dizaine de wagons rouillés. Cinquante kilomètres à l’heure tout au plus. Lorsqu’il remonte de la côte pour rejoindre la plaine, le train paraît presque à l’arrêt. Le conducteur actionne la sirène à tout va pour encourager l’ancienne machinerie. Le rythme est lent, on évolue au milieu d’une jungle clairsemée, à la vitesse d’une petite camionnette trop chargée. Je suffoque presque tant l’air est chaud, nous sommes pourtant parti vers six heures de matin. Mais ici le soleil brûle presque dès les premières lueurs de l’aube.
Nous traversons soudain d’immenses rizières illuminées par la lumière du jour. J’aperçois au loin de petites cabanes de bois tressés. Au-dessus de nous, un vol d’oiseau tournoie, dessinant une immense flèche noire. Au milieu des champs, de minuscules silhouettes sombres travaillent la terre.
On peut facilement rejoindre Sigiriya depuis la gare d’Habanara. Des bus circulent à toute trombe sur la route goudronnée toute neuve qui file vers l’est. Il suffit d’attendre un moment et surtout de ne pas avoir peur de sauter dans le véhicule qui, généralement, ne marque même pas l’arrêt aux stations. Stations qui de toute manière n’ont que peu d’utilité puisque tous les voyageurs montent ou descendent à peu près n’importe où. Les bus sont souvent de vieilles carlingues bruyantes où l’on s’entasse à fur et à mesure du parcours. Le chauffeur y diffuse des musiques rythmées à pleine puissance. La plupart du temps nous restons accrochés à nos sièges en espérant qu’il n’y aura pas d’accident.
Le bus nous arrête au carrefour de la route qui mène au rocher du Lion via Kimbisa. Evidemment, plusieurs conducteurs de triporteurs sont stationnés non loin et sautent sur tout les voyageurs pour leur proposer de les conduire où ils le veulent. Ses pratiques quelque peu harcelantes commencent déjà à nous agacer. Finalement on ne voyage jamais totalement seul au Sri Lanka. Où que l’on soit, en ville, à la campagne, à la mer, perdu en montagne, on croise toujours quelqu’un. Soit pour une simple discussion, soit pour proposer un service, soit pour vendre quelque chose.
Nous choisissons de passer quelques nuits à l’Orchid Villa, quelques bungalows disséminés dans un jardin arboré. L’endroit est tenu par une famille toute sympathique comme en témoigne d’ailleurs les nombreux messages de remerciements inscrits sur tout un mur de la salle à manger. Le curry y est excellent et préparé par la mère de famille.
Le soleil approche lentement de l’horizon, colorant la campagne d’une jolie lumière rosée, nous pédalons vers Kimbisa à travers jungle et rizière. La route est très engorgée par moment. Nous croisons de nombreux cyclistes qui nous saluent ou rigolent à notre passage. Nous empruntons un petit chemin défoncé par les pluies des derniers jours à l’entrée duquel un panonceau indique Lion’s Rock. Je peine à avancer car le pédalier de mon vélo ne fonctionne plus, je finis à pied.
Le rocher du Lion est un gigantesque bouchon de lave qui surgit au milieu de la jungle. Un rocher aux formes intrigantes, rouge et ocre, percé d’immenses coulées noires. Il fut le refuge d’un prince fou nommé Kasyapa, qui y fit construire une forteresse. “Il s’était laissé conter que son père, le roi Dathusena lui cachait le trésor du royaume, et l’avait destitué pour s’en emparer. (…) Quand le prince avide découvrit que l’héritage n’était que de l’eau, lui qui voulait de l’or, il devint enragé et fit emmurer vivant le roi Dathusena. (…) Kasyapa fuit ses fantômes, quitta Anadhapura et sa plaine quadrillée de rizières, et se réfugia tout en haut du rocher de Sigiriya, le monde à ses pieds“. (P. Hausherr et C. Bourzat, Sri Lanka, Editions Vilo, 2006)
On ne se rend compte de la taille de ce rocher qu’au moment où l’on franchit la passerelle qui mène jusqu’aux jardins du palais. Jardins qui à l’époque, étaient entièrement mis en eau par de nombreuses fontaines et bassins d’agrément. L’eau arrivait même jusqu’au haut du rocher pour remplir la piscine privée du roi.
Pour rejoindre le palais du roi Kasyapa, il faut emprunter un dédale d’escaliers, creusés à même la roche, qui serpentent le long de la face sud du rocher. Après une dizaine de minutes de marche, nous rejoignons un ensemble de petites cavernes dans lesquelles nous croisons de mystérieuses femmes peintes sur les parois, les Asparas. Courtisanes, danseuses ou déesses, personne ne sait vraiment qui elles sont, ni pourquoi elles sont représentées ici.
A mi-parcours, nous atteignons l’entrée du palais dans lequel on pénétrait à l’époque en s’engageant dans l’immense gueule ouverte d’un lion. Il n’en reste plus que les pattes sculptées à même la roche. C’est à partir de ce moment-là que l’ascension se complique, il faut évoluer sur de minuscules passerelles suspendues au-dessus du vide. Une vraie épreuve pour ceux qui souffrent du vertige.
Arrivés au somment, nous découvrons les ruines du palais et une vue incroyable sur toute la plaine : réservoirs immenses, jungle à perte de vue, montagnes vertes et bleues dissimulées dans la brume. Je suis suspendu dans les airs au milieu de ce panorama, un rêve éveillé, au centre-est du Sri Lanka.
A quelques kilomètres de Sigiriya se trouve Dambulla, un site plutôt méconnu pourtant classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui vaut le détour. A l’origine, Dambulla n’était qu’un simple ermitage habité par une communauté de moines qui avait aménagé des temples sommaires dans les grottes surplombant la plaine. A fil des siècles, l’endroit fut sans cesse aménagé et agrandi par les rois d’Anadhapura jusqu’à devenir l’un des endroits les plus sacrés du pays.
Nous atteignons enfin l’entrée des temples troglodytes après une ascension assez mouvementée. Sur tout le long du chemin on essaie de nous vendre toute sorte d’offrandes (fleurs, fruits, couronnes, colliers,…) parfois de manière très insistante. Un moment, une femme me barre carrément la route en agitant devant moi de petits cornets en papier remplis de fleurs de Tiare. Je dois quasiment jouer des coudes pour continuer la montée.
Toutes les cavernes de temple d’Or sont recouvertes de peintures rupestres et abritent plus d’une centaine de représentations de Bouddha.
“La plupart des statues représentent Bouddha dans la position de la méditation, assis en tailleur, les deux mains posées à plat, paumes tournées vers le haut. C’est dans cette posture que le Bouddha parcouru les quatre stades successifs de la méditation qui le conduisirent à la pureté totale. Ayant pris conscience de la loi des causes et des effets, il découvre comment y mettre fin et possède alors les quatre nobles vérités : vérité sur la douleur, sur l’origine de la douleur, sur la cessation de la douleur, sur le chemin menant à la cessation de la douleur. Il devient le Bouddha « parfaitement et complètement éveillé ».” (Sri-Lanka l’île dont on rêve, blog Notes d’Itinérances).
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De Trincomalee à Sigiriya
De Trincomalee à Sigiriya, ne circulent que de vieux trains qui paraissent avoir traversé les âges. La vieille micheline en taule noire, avec son grand feu arrondi, traîne péniblement une dizaine de wagons rouillés. Cinquante kilomètres à l’heure tout au plus. Lorsqu’il remonte de la côte pour rejoindre la plaine, le train paraît presque à l’arrêt. Le conducteur actionne la sirène à tout va pour encourager l’ancienne machinerie. Le rythme est lent, on évolue au milieu d’une jungle clairsemée, à la vitesse d’une petite camionnette trop chargée. Je suffoque presque tant l’air est chaud, nous sommes pourtant parti vers six heures de matin. Mais ici le soleil brûle presque dès les premières lueurs de l’aube.
Nous traversons soudain d’immenses rizières illuminées par la lumière du jour. J’aperçois au loin de petites cabanes de bois tressés. Au-dessus de nous, un vol d’oiseau tournoie, dessinant une immense flèche noire. Au milieu des champs, de minuscules silhouettes sombres travaillent la terre.
On peut facilement rejoindre Sigiriya depuis la gare d’Habanara. Des bus circulent à toute trombe sur la route goudronnée toute neuve qui file vers l’est. Il suffit d’attendre un moment et surtout de ne pas avoir peur de sauter dans le véhicule qui, généralement, ne marque même pas l’arrêt aux stations. Stations qui de toute manière n’ont que peu d’utilité puisque tous les voyageurs montent ou descendent à peu près n’importe où. Les bus sont souvent de vieilles carlingues bruyantes où l’on s’entasse à fur et à mesure du parcours. Le chauffeur y diffuse des musiques rythmées à pleine puissance. La plupart du temps nous restons accrochés à nos sièges en espérant qu’il n’y aura pas d’accident.
Le bus nous arrête au carrefour de la route qui mène au rocher du Lion via Kimbisa. Evidemment, plusieurs conducteurs de triporteurs sont stationnés non loin et sautent sur tout les voyageurs pour leur proposer de les conduire où ils le veulent. Ses pratiques quelque peu harcelantes commencent déjà à nous agacer. Finalement on ne voyage jamais totalement seul au Sri Lanka. Où que l’on soit, en ville, à la campagne, à la mer, perdu en montagne, on croise toujours quelqu’un. Soit pour une simple discussion, soit pour proposer un service, soit pour vendre quelque chose.
Nous choisissons de passer quelques nuits à l’Orchid Villa, quelques bungalows disséminés dans un jardin arboré. L’endroit est tenu par une famille toute sympathique comme en témoigne d’ailleurs les nombreux messages de remerciements inscrits sur tout un mur de la salle à manger. Le curry y est excellent et préparé par la mère de famille.
Le soleil approche lentement de l’horizon, colorant la campagne d’une jolie lumière rosée, nous pédalons vers Kimbisa à travers jungle et rizière. La route est très engorgée par moment. Nous croisons de nombreux cyclistes qui nous saluent ou rigolent à notre passage. Nous empruntons un petit chemin défoncé par les pluies des derniers jours à l’entrée duquel un panonceau indique Lion’s Rock. Je peine à avancer car le pédalier de mon vélo ne fonctionne plus, je finis à pied.
Le rocher du Lion est un gigantesque bouchon de lave qui surgit au milieu de la jungle. Un rocher aux formes intrigantes, rouge et ocre, percé d’immenses coulées noires. Il fut le refuge d’un prince fou nommé Kasyapa, qui y fit construire une forteresse. “Il s’était laissé conter que son père, le roi Dathusena lui cachait le trésor du royaume, et l’avait destitué pour s’en emparer. (…) Quand le prince avide découvrit que l’héritage n’était que de l’eau, lui qui voulait de l’or, il devint enragé et fit emmurer vivant le roi Dathusena. (…) Kasyapa fuit ses fantômes, quitta Anadhapura et sa plaine quadrillée de rizières, et se réfugia tout en haut du rocher de Sigiriya, le monde à ses pieds“. (P. Hausherr et C. Bourzat, Sri Lanka, Editions Vilo, 2006)
On ne se rend compte de la taille de ce rocher qu’au moment où l’on franchit la passerelle qui mène jusqu’aux jardins du palais. Jardins qui à l’époque, étaient entièrement mis en eau par de nombreuses fontaines et bassins d’agrément. L’eau arrivait même jusqu’au haut du rocher pour remplir la piscine privée du roi.
Pour rejoindre le palais du roi Kasyapa, il faut emprunter un dédale d’escaliers, creusés à même la roche, qui serpentent le long de la face sud du rocher. Après une dizaine de minutes de marche, nous rejoignons un ensemble de petites cavernes dans lesquelles nous croisons de mystérieuses femmes peintes sur les parois, les Asparas. Courtisanes, danseuses ou déesses, personne ne sait vraiment qui elles sont, ni pourquoi elles sont représentées ici.
A mi-parcours, nous atteignons l’entrée du palais dans lequel on pénétrait à l’époque en s’engageant dans l’immense gueule ouverte d’un lion. Il n’en reste plus que les pattes sculptées à même la roche. C’est à partir de ce moment-là que l’ascension se complique, il faut évoluer sur de minuscules passerelles suspendues au-dessus du vide. Une vraie épreuve pour ceux qui souffrent du vertige.
Arrivés au somment, nous découvrons les ruines du palais et une vue incroyable sur toute la plaine : réservoirs immenses, jungle à perte de vue, montagnes vertes et bleues dissimulées dans la brume. Je suis suspendu dans les airs au milieu de ce panorama, un rêve éveillé, au centre-est du Sri Lanka.
A quelques kilomètres de Sigiriya se trouve Dambulla, un site plutôt méconnu pourtant classé au patrimoine mondial de l’UNESCO qui vaut le détour. A l’origine, Dambulla n’était qu’un simple ermitage habité par une communauté de moines qui avait aménagé des temples sommaires dans les grottes surplombant la plaine. A fil des siècles, l’endroit fut sans cesse aménagé et agrandi par les rois d’Anadhapura jusqu’à devenir l’un des endroits les plus sacrés du pays.
Nous atteignons enfin l’entrée des temples troglodytes après une ascension assez mouvementée. Sur tout le long du chemin on essaie de nous vendre toute sorte d’offrandes (fleurs, fruits, couronnes, colliers,…) parfois de manière très insistante. Un moment, une femme me barre carrément la route en agitant devant moi de petits cornets en papier remplis de fleurs de Tiare. Je dois quasiment jouer des coudes pour continuer la montée.
Toutes les cavernes de temple d’Or sont recouvertes de peintures rupestres et abritent plus d’une centaine de représentations de Bouddha.
“La plupart des statues représentent Bouddha dans la position de la méditation, assis en tailleur, les deux mains posées à plat, paumes tournées vers le haut. C’est dans cette posture que le Bouddha parcouru les quatre stades successifs de la méditation qui le conduisirent à la pureté totale. Ayant pris conscience de la loi des causes et des effets, il découvre comment y mettre fin et possède alors les quatre nobles vérités : vérité sur la douleur, sur l’origine de la douleur, sur la cessation de la douleur, sur le chemin menant à la cessation de la douleur. Il devient le Bouddha « parfaitement et complètement éveillé ».” (Sri-Lanka l’île dont on rêve, blog Notes d’Itinérances).
Au sud du Sri Lanka, entre Talalla et Matara
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