Dans la maison
Sur le bord de la route qui mène à la plage, nous nous arrêtons devant un stand où l’on vend du phô et des banh my. Nous nous installons à une petite table en plastique rouge, installée sous l’auvent en tôle qui recouvre toute la cour à l’avant d’une petite maison en briques. Une famille de trois personnes vit ici, un couple avec leur petite fille. Sur le perron, la femme prépare des soupes et des sandwichs pendant que son mari fait la sieste dans un hamac. Dans un petit poêle bricolé avec quelques morceaux de ferraille, brûle un petit foyer au-dessus duquel elle fait réchauffer les pains avant de confectionner les sandwichs. Dans une vitrine, il y a des plaques chauffantes électriques probablement à vendre. Mais elles semblent être entreposées là depuis des semaines, la poussière a commencé à se déposer sur le haut des boites en carton. Dans un autre coin de la pièce, il y a une bonne dizaine de bonbonnes d’eau encore scellées, qui attendent elles aussi d’être emportées par des clients, visiblement absents ce jour là. Dans le fond de la cour ont été entreposés trois scooters que la petite famille doit louer à l’occasion aux nombreux voyageurs séjournant dans le quartier.
Je pénètre à l’intérieur de la maison pour aller me laver les mains dans la salle de bains familiale. Au-dessus de la porte d’entrée aux volets jaunes, se trouve un petit autel où brûle encore de l’encens. Sur ma droite, une cuisine qui se résume en fait à un évier en béton, sur lequel prennent appui quelques planches de bois servant de plan de travail. On y a entassé des casseroles rouillées et des bassines en plastique souillées par l’usure et l’utilisation répétée. Une seconde petite pièce sert de chambre à coucher en même temps que de salon. Un vieux téléviseur à tube cathodique, un lit en bois sans matelas et quelques photos disposées sur une petite étagère. La petite fille dort dans une autre chambre qui dispose d’un lit, camouflé sous une large moustiquaire violette. J’accède à la salle d’eau située tout au bout du couloir. Une pièce exiguë avec un sol en béton brut et un toit de tôle ondulée qui filtre la lumière. Il y fait très sombre, je n’y vois presque rien. Les commodités se résument à un tuyau relié à un robinet installé dans le mur, et qui court au-dessus d’une bassine. Le sol est incliné par endroit pour conduire l’eau jusqu’à un simple trou, qui évacue directement à l’arrière de la maison. Un confort assez spartiate qui doit cependant constituer l’habitat de la plupart des familles vietnamiennes.
Un soir à la rizière
Le soir au milieu des rizières, nous photographions le soleil couchant. Je me rapproche du sol pour observer de plus près les brins de riz qui dansent avec le vent. Ils ondulent de plus en plus fort comme si le souffle de l’air glissait sur eux, en un bruit léger de papier que l’on froisse. Comme un ballet de couleurs à la synchronisation parfaite. Le vent faiblit et la danse s’arrête un moment, les brins de riz peuvent souffler à leur tour avant de repartir de plus belle à la prochaine bourrasque. Le croassement des grenouilles vient rythmer ce bal, brisant doucement le silence. Je n’en entends d’abord qu’un, puis deux, puis des dizaines qui se répondent comme le canon d’une chorale d’église. Avec le coucher du soleil, ce chant s’intensifie jusqu’à résonner presque autant qu’à l’intérieur d’une cathédrale. Au loin on entend les hauts parleurs de la ville qui diffusent sans discontinuer des messages de propagande et des airs de musiques patriotes. Je suis comme suspendu dans un océan de sons et de couleurs qui me font oublier un instant où je suis. Le temps, l’espace, tout paraît s’arrêter. Je me sens léger, apaisé pour la première fois dans ce pays qui ne s’arrête jamais de courir.
Le pain
C’est toujours ce qui me manque le plus lorsque je voyage en Asie. Depuis toujours je l’adore, tout petit déjà je ne pouvais pas m’en passer. J’aime son goût si particulier, sa texture moelleuse et sa croûte qui craque sous la dent, puis sa mie qui m’emplit la bouche. Je l’aime sans rien, surtout à la sortie du four lorsqu’il est encore tiède. Ou bien alors juste avec du beurre frais, au petit déjeuner.
Au Vietnam, on trouve du pain un peu partout, qui ressemble aux baguettes que l’on peut acheter dans les boulangeries françaises. Rien de bien étonnant me direz-vous, simple héritage de l’ancienne Indochine. Dans les rues, à côté des immanquables stands de phô, certains ambulants proposent des sandwichs à la viande, aux légumes ou bien à la saucisse, avec de l’œuf et du fromage fondu, généralement de la Vache qui rit. Le tout est savamment relevé avec des épices, de la coriandre et une petite sauce rouge au piment.
Les banh my, comme ils disent ici, font office d’encas à tout moment de la journée. Le matin, les ouvriers s’arrêtent pour acheter leur morceau de pain, accompagné d’une brique de lait concentré pour se remplir le ventre en milieu de matinée. A midi, ce sont les jeunes qui s’attablent sur les trottoirs pour avaler en vitesse un sandwich avant de repartir au lycée. Dans le delta de Mékong, on les fabrique avec de la farine de noix de coco qui leur donne un petit goût sucré pas désagréable, même si j’ajouterais un peu de sel pour rendre le mélange moins fade. Et plus on remonte vers le nord du pays, plus le pain retrouve le goût que je connais, celui de la baguette, pas celle à l’ancienne, plutôt celle que l’on retrouve dans les cantines ou au supermarché. Mais croyez le ou non, les banh my du Vietnam sont un vrai régal, à condition de tomber sur quelqu’un qui sait les préparer.
Une histoire de lampions
Nouvel An ou pas, à Hoi An on croise des lampions partout, dans les rues, les restaurants, sur la façade des maisons, aux fenêtres des hôtels. La ville en a fait sa spécialité, encouragée bien sûr par l’engouement touristique pour l’endroit. Mais si certains lampions de Hoi An sont encore fabriqués main, la plupart sont désormais produits en série dans des usines, pour répondre à la demande toujours grandissante des voyageurs qui veulent en rapporter un chez eux. Et bien évidemment, nous en faisions partie !
Ce matin-là, nous nous rendions dans une petite boutique de la rue Than Phu, une entreprise familiale où l’on fabrique encore les lampions de manière artisanale, du moins c’est ce qui se dit, je n’ai pas pu le vérifier. La veille nous étions passés devant l’échoppe, pendant qu’une ouvrière réalisait en vitrine un modèle de lanterne en bambou et tissu rose, à la forme de diamant. J’aurais plutôt dit une poire mais enfin bon, va pour le diamant, cela ajoute peut-être au charme.
Comme nous n’avons pas l’habitude de faire les choses à moitié, nous décidons évidemment de faire une razzia dans la boutique. Des modèles miniatures pour les amis, un pour les parents, l’autre pour la grand-mère, encore un pour le frère ou la sœur. Le tout multiplié par quatre. Nous en prendrons 48, dit-on à la vieille vendeuse, qui après un court moment d’hésitation accepte sans rechigner. Et les modèles manquants seront prêts pour le soir même. Reste maintenant à résoudre le problème du transport, parce qu’évidemment, toutes ces petites lanternes pèsent et prennent une place immense dans nos bagages. Impossible bien entendu de les faire expédier par la poste, il nous en coûterait près de 400 dollars. Nous prenons l’avion deux jours plus tard, sans bagage en soute bien sûr, enfin bref. De toute manière maintenant nous n’avons plus le choix, il faudra bien se trimbaler ses fichus lampions…
De retour à la villa Phuc Tao, j’entrouvre la porte de la chambre d’Elsa et de Jocelyn, que je surprends dans une sorte d’hystérie assez surréaliste. Ils ont soigneusement disposé toutes les lanternes achetées en ville et sont en train de refaire les comptes. Il en manque un je te dis ! Ce n’est pas la bonne couleur ! Celui-ci est à moi ! Mon bleu ! Tu n’as pas vu mon bleu ! Ils ne remarqueront même pas ma présence dans leur chambre…
3 Comments
Hélène
19 août 2015 @ 4:07
Ah Hoi An ! J’ai eu la chance de terminer mes 3 semaines de Vietnam à Hoi An, des petites vacances dans des vacances, une ville apaisante 🙂
En parlant de fromage de la Vache qui rit, je me souviens un jour dans un petit resto avoir cogité un bon moment pour comprendre ce qu’était le Laughing Cow sur un menu… fou rire quand j’ai enfin percuté ! 😉
Petits Voyageurs
19 août 2015 @ 4:55
Je n’avais pas fait attention à la mention Laughing Cow sur les menus ! Ça me donnera une bonne raison de retourner au Vietnam ! C’est vrai que Hoi An est une ville à part au Vietnam qui m’a rappelé un petit peu Georgetown en Malaisie…
voyage Hôi An
10 avril 2019 @ 7:25
La beauté de Hôi An a des côtés opposés. Le matin, la ville est calme et paisible comme une chanson de l’amour qui est très douce et romantique. La nuit, toute la ville est en ébullition avec plusieurs visiteus, les lampions sont partout dans la rue. C’est une scène très belle et idéal pour la photographie.