De Lumut aux Cameron Highlands

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Vendredi 28 janvier, Lumut

Au port, nous empruntons le vieux bus local pour Ipoh. L’avantage de ce mode de transport est qu’il donne l’impression, pendant un moment, de se mêler à la population locale. Il permet également de traverser des localités que nous n’aurions sûrement pas vues autrement. L’un de ces principaux inconvénients reste qu’il lui faut plus de deux heures pour parcourir les 90 kilomètres qui nous séparent de notre destination. J’entends Brice pester et souffler dans son coin, le baladeur sur les oreilles :

– Il va s’arrêter à chaque village ou quoi ?!

Un groupe d’adolescents occupe le fond du bus, ils ne sont peut être pas si différents des jeunes de chez nous. Ensemble, ils entonnent les refrains de leurs morceaux de musique favoris, diffusés depuis un téléphone portable. Sur le chemin, nous croisons de nombreux temples hindous, signe d’une présence importante de cette communauté dans la région. Ce ne sont pas les passagers du bus qui me feront dire le contraire. A mesure que nous avançons, le bus se remplit de plus en plus, certains feront d’ailleurs le voyage debout. C’est même à se demander comment cette vielle carlingue pourra tenir le choc.

Un peu avant Ipoh, nous passons devant l’université de recherche de la compagnie pétrolière Petronas qui a donné son nom aux célèbres tours jumelles. Le bus nous dépose devant une station essence faisant apparemment office de terminus. Un taxi nous emmène vers la gare mais son chauffeur nous à bien eu, elle n’est qu’à quelques centaines de mètres de là. Le quartier de la gare et ses bâtiments coloniaux blancs est majestueux, la gare évoque les grands palais indiens, un jardin à l’anglaise est installé face à l’entrée. Cela fait déjà plusieurs fois que j’ai l’impression d’être en Inde, mais aujourd’hui encore plus. L’étage accueille un hôtel dont les chambres donnent sur une immense véranda, façon promenade. Une succession d’arcades et de balconnets vient terminer ce qui pourrait être un décor de cinéma. A la gare d’Ipoh le temps semble s’être arrêté, on se croirait volontiers dans les années 30. Comme souvent en Malaisie, l’extérieur est clinquant mais une fois dans les chambre on reste sur sa fin. La chambre est meublée sommairement – deux lits, une petite table, deux fauteuils et des croutes aux murs – et donne sur un petit vestibule. La salle de bain est minuscule et un peu sale. A l’arrière, le quai de la gare, très bruyant. On aperçoit non loin, entre les caténaires et les toits de tôles, un petit temple hindou.

Une ballade dans les rues de la ville à la recherche d’un fast-food nous amène vers la ville nouvelle. A majorité chinoise, le quartier du marché central regroupe des petites shophouses qui donnent tout son cachet et une ambiance particulière à cette ville. Ces boutiques familiales sont encore le principal pilier du tissu urbain dans de nombreuses métropoles d’Asie. Elles sont construites sur un ou deux étages, le rez de chaussée abrite une échoppe. La partie boutique située en retrait laisse un petit passage sous arcade pour permettre aux clients de flâner devant les étales. Les shophouses sont souvent construits en rangs très serrés, dans un alignement parfait avec la chaussée. Ces petits commerces de détail, perdus au milieu des gratte-ciels et des grandes enseignes sont typiques des villes d’Asie du Sud Est.

Shophouses à Ipoh
Les shophouses dans les rues d’Ipoh – Crédit Photo : Brice Vandgeinste

Nous sommes étonnés de trouver à Ipoh une pâtisserie, nous nous y dirigeons pensant y retrouver des saveurs d’Europe. Les gâteaux qui y sont proposés n’ont pas grand chose à voir avec nos brioches ou nos croissants. Nous choisissons de goûter un feuilleté aux haricots rouges qui mis à part son goût sucré, n’a aucune saveur particulière.

Si il y a bien une chose que nous avons appris en venant à Ipoh, c’est qu’il ne faut jamais choisir l’hôtel qui se trouve juste en face de la mosquée, aussi beau soit-il. A cinq heures du matin, les premières paroles de l’al-adhân (appel à la prière) retentissent. Vingt minutes ! « Hayya ‘alâ as-salât » (« Venez à la prière ! ») chante le muezzin. J’aime pourtant beaucoup ce chant aux sonorités étranges, mais là… Sept heures du matin, voilà que ça rechante ! C’est pour les retardataires ? En plus ça s’agite sous la véranda de l’hôtel, j’ai même l’impression qu’un homme prie à voix haute juste devant notre porte ! Malheureusement la grasse matinée tant convoitée sera pour un autre jour.

Ascension vers la « Terre Plate », aux Cameron Highlands

A 11 heures nous grimpons à bord du bus Kinto Express qui doit nous emmener à Tanah Rata dans les Cameron Highlands. Encore un vieux coucou qui nous promet une ballade sympathique. A bord, une majorité de touristes, une fois n’est pas coutume. Nous parlons avec une famille de hollandais qui redescend la côte ouest vers le sud. Ils nous rassurent quant à la météo qui nous joue des tours depuis le début de la semaine.

– Here we go ! Nous lance leur petite fille au démarrage du bus.

En s’éloignant du centre ville, les shophouses laissent place à de petits immeubles assez délabrés. De grandes enseignes en chinois signalent les magasins ou font la publicité de grandes marques internationales. Je ne saurai pas vraiment dire pourquoi, mais le désordre qui règne dans les villes de ce pays me plaît, peu être parce que ces bourgades grouillent de vie. Même si rien n’y est vraiment beau et qu’il est parfois difficile d’y rester, parcourir les villes de ce pays est pour moi un incontournable dans notre voyage. On y voit le pays tel qu’il semble être aujourd’hui, une vie moderne face à la tradition et au folklore. Partir ce n’est pas simplement voir de beaux paysages, aller à la plage ou visiter des monuments. C’est aussi chercher à ressentir un peu de ce qu’est la vie du pays, même si je l’avoue, cela reste difficile, surtout en quatre semaines.

A la sortie d’Ipoh, des reliefs rocailleux se forment en bord de route. Des collines couvertes de forêt tropicale laissent apparaître des grandes falaises et des grottes abritant pour certaines de petits temples. Un atelier de sculpture s’est installé au pied de l’une d’entre elles. Les statues de pierres qui y sont taillées représentent des animaux ou des divinités et doivent certainement être destinées à orner monuments ou lieux de culte.

Nous quittons la route principale à travers la campagne, tout autour de nous des collines, des falaises, des pitons. De nombreuses carrières exploitent cette ressource, pour le marbre notamment, comme l’indiquent les nombreux panneaux en bord de route.

Les Cameron Highlands
Dans la quiétude des Cameron Highlands – Crédit Photo : Will Ellis

Le bus quitte la plaine et commence l’ascension vers Tanah Rata à environ 1500 mètres d’altitude. Dans les côtes, le bus ne doit pas dépasser les quarante kilomètres par heure. Construite au début du XXème siècle par les anglais, la route qui mène aux Cameron Highlands serpente à travers la jungle gigantesque et verdoyante. A certains endroits, la roche est recouverte d’un enduit couleur goudron pour permettre à l’eau de s’écouler et éviter ainsi les glissements de terrain Le paysage prend alors des allures quasi martienne. Le soleil qui nous accompagnait depuis ce matin nous fait peu à peu faux bond. Sur 40 kilomètres, la route monte et ondule entre une flore éléphantesque coiffée de brume et des précipices abruptes tombant dans d’intrigantes vallées encaissées. « Elle se tortille le long de falaises embroussaillées de bananiers sauvages, de bambous, de frondaisons palmées et digitées… » (Gabrielle Wittkop). En bord de route, de petites cahutes en bois offrent une halte aux voyageurs rejoignant les sommets.

Plus haut, la forêt a été défrichée sur des kilomètres pour laisser place à des exploitations maraîchères où se cultivent, sous serre, légumes, plantes et même fraises, apparemment une spécialité du coin. Nous sommes venus essentiellement pour admirer les plantations de thés, mais pour le moment je n’en vois aucune.

Les premières localités que nous croisons ne donnent pas vraiment envie. Brinchang ressemble à une station de ski, du style de celles qu’on construisait dans les années soixante ou soixante-dix. Témoignant de la forte présence chinoise, les panneaux et enseignes sont écrits en sinogrammes. A Tanah Rata l’ambiance est un peu la même, en moins bétonnée. Les Cameron Highlands sont pourtant décrites comme l’une des étapes incontournables de l’Asie du Sud-est. L’attrait trop grandissant des voyageurs pour l’endroit explique peut être ce développement anarchique. Pour nous le charme n’y est pas, sauf peut être notre pension, une des grandes demeures datant de l’époque coloniale qui rappelle les fermes des campagnes normandes ou anglaises. Ici on peut déguster du thé bien sûr, mais surtout des scones ! En même temps, rien d’étonnant, cette station d’altitude a été créée de toute pièce par des anglais. Nos hôtes, Monsieur et Madame Velu, un couple d’indiens d’une soixantaine d’année, travaillent à Tanah Rata depuis 25 ans dans une pension à l’ambiance familiale. Ils nous installent dans une petite chambre au dernier étage de la maison.

Au Rosedale Bistrot nous goûtons les Steamboats, présentés comme des concurrents directs de la fondue savoyarde ! Les plateaux portés par le serveur sont appétissants, la table est bien garnie ! Poissons, coquillages, poulet, crabe, sèche, tofu, raviolis, beignets,… On ne sait pas vraiment quoi faire de tout cela. Nous essayons de voir comment se débrouille la table d’à côté. Apparemment ce n’est pas mieux, eux aussi en mettent partout.

Steamboat à Tanah Rata
Steamboat au Rosedale Bistrot – Crédit Photo : Brice nod

Pour digérer, et malgré la pluie, j’arrive à motiver Brice et Elsa pour une ballade dans la jungle. Nous revêtons des imperméables achetés à la va vite dans un bazar chinois. N’étant pas de grands marcheurs, nous optons pour l’itinéraire le plus facile, celui qui longe les cascades Robinson. A la sortie du village, un sentier pavé débute près d’une maisonnette en bois et de son potager de choux. La promenade est impressionnante, la forêt et les plantes sont gigantesques. Brice paraît minuscule à côté de ce qui ressemble à un bananier et qui n’est pourtant pas vraiment le plus grand arbre de cette forêt. Sur les bords du chemin, on trouve toutes sortes de fougères, mais qui n’ont pas tout à fait la même taille que celles que nous connaissons. Je pensais croiser en forêt bestioles et serpents, mais il n’y à pas grand chose ici, ou alors ils se cachent bien.

Après une petite heure de marche, nous rentrons nous mettre au chaud dans notre chambre. Ce soir, nous sommes trop fatigués pour faire quoi que ce soit. Je pars chercher des menus à emporter chez Mary Brown. Nous finirons la soirée sur les lits avec quelques jeux de société.

Cette nuit a été particulièrement difficile. Pour la première fois depuis le départ, nous avons eu froid. La température est descendue aux alentours des 10°C. Dans la chambre, pas de chauffage, et question isolation, ce n’était pas terrible non plus. Dès le matin, direction la réception de la pension pour demander des couvertures supplémentaires.

Nous devions participer à un circuit organisé pour découvrir le coin, mais vu le temps (il pleut, encore et encore !) nous préférons annuler et nous débrouiller par nous même. A la gare routière, nous montons dans un taxi qui nous conduit à la plantation de thé Boh, crée par J.A. Russel au début du siècle. Sur le chemin qui descend aux plantations, notre chauffeur fait encore ici office de guide. Il nous explique que ces plants de thé ont 80 ans et que si on ne les taillait pas régulièrement, ils pourraient faire jusqu’à deux ou trois mètres de haut. En descendant la petite route, j’ai vraiment l’impression d’être sur un petit chemin qui serpente au milieu des vignes. Au loin, le temple hindou du petit village abritant les ouvriers de la plantation rappelle un clocher, je crois être dans le vignoble alsacien

Le chauffeur de taxi s’est occupé de tout, nous avons le droit à une petite visite guidée de la fabrique de thé, puis direction la boutique mais nous n’achèterons rien, le thé est vraiment hors de prix. Et nous avons bien fait car après dégustation, il n’est pas terrible le thé des Cameron Highlands. Ce n’est pas grave, la vue sur les plantations à perte de vue rattrape largement son goût. Il faut faire vite, nous n’avons le droit qu’à une heure ! Le chauffeur de taxi nous attend déjà pour repartir. Nous finissons par une ballade au milieu de la plantation pour admirer les théiers de plus près. Au bout du chemin, notre chauffeur nous attend et nous voilà déjà repartis pour Tanah Rata.


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2 Comments

  1. AnnaJo Janisz
    7 décembre 2014 @ 9:00

    Merci de m’avoir rappelé mon sympathique séjour dans la région des Cameron Highlands. Effectivement la nuit est fraîche, c’est d’ailleurs le seul endroit en Malaisie ou la température chute ainsi. Mais quel bonheur de griller un peu mois dans la touffeur constante du reste du pays.

    Les balades dans la jungle sont impressionnantes, il y a quelques plantations de thé tout autout de Tanah Rat à visiter. Les cueilleurs sont majoritairement de confession hindoue, ce qui explique la présence de nombreux temples dans le coin. Thé et fraises sont les deux spécialités.

    C’est dans les parages que j’ai pu contempler, après 2h de trek dans la jungle, la Rafflesia, la plus grande fleur du monde. Elle valait le détour!

    La pluie est quasi quotidienne dans la région. Mais les quelques jours ou il a fait beau, ce n’est pas pour de faux.

    Merci pour votre article.

    Reply

    • admin
      15 décembre 2014 @ 10:49

      Tout à fait d’accord avec toi ! Moi je n’ai pas eu le courage de faire un trek, le temps était trop mauvais… Merci pour ton commentaire !

      Reply

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