Chez le coiffeur
Depuis la nationale 1 juste après le pont à péage, nous prenons la route qui mène jusqu’au village de Tân Phu, le long du Mékong. Mais depuis la route on ne le devine même pas. Il y a déjà une foule de deux roues qui nous dépassent en klaxonnant, je roule au pas ne connaissant même pas ma vitesse exacte, ni le compteur ni la jauge ne fonctionnent. Il faut vérifier le niveau de l’essence en ouvrant le réservoir. J’ai déjà mis 50000 dongs chez Viet Petrol, cela devrait suffire si j’en crois ce que nous a dit le type du Chalet Suisse. Nous quittons la route principale au niveau de Thành Trieu, en enjambant le canal par un petit pont en bois à proximité de l’hôtel Five Sao. Nous laissons les motos dans un recoin près du marché couvert, un vieux bâtiment rosé tout écaillé, datant de 1920. La plupart des marchands plient déjà bagage, on vend encore les derniers légumes et du poisson séché, debout sur des étals rudimentaires en béton. De l’autre côté du canal vers la sortie du bourg, il y a un petit salon de coiffure aux murs bleus, un endroit assez exigu, un peu bric à brac ou maison de poupée désordonnée. Un vieux siège de coiffeur en cuir noir, deux miroirs au mur, une petite licorne dans un cadre. A l’intérieur, quelques femmes venues avec leurs bambins pour se faire belles avant le Tèt. Nous nous installons sur les tables à l’extérieur à côté d’un petit comptoir où l’on vend des fruits et quelques boissons. Nous commandons du thé glacé et du Coca pendant que ces dames s’offrent une manucure en même temps que la coiffeuse rafraîchit la coupe de cheveux de leurs bambins.
Nous demandons la direction de Than Phù où l’on peut normalement rattraper le bac pour Ben Tre. La propriétaire nous indique la direction du bac, une petite route qui file à travers la campagne, point de départ d’un long road trip dans le Delta du Mékong.
Than Phù et Ba Vat
La route longe des rizières d’un vert intense et des cabanes de villageois dissimulées dans des jardins fleuris de bougainvillées et d’arbres fruitiers. Elle rétrécie par endroit, pour ne laisser plus que la place d’un seul véhicule. Le soleil est de plus en plus rude, je sens ma peau brûler peu à peu, en même temps qu’elle se colore de rouge. Tout autour de nous, des champs verdoyants baignés par une lumière vive presque éblouissante. Encore un petit hameau rempli de vie où l’on klaxonne à tout va. Toujours et encore des marchés remplis de légumes et de fleurs en pot que l’on vient chercher en masse avant le Tèt. Nous traversons Quoi Tanh en passant à côté d’un grand banian, avant de rejoindre la route principale qui mène enfin à l’embarcadère du Mékong. La bac est archi plein de deux roues. De l’autre côté du fleuve nous suivons une immense route que nous nous empressons de quitter, pour couper à travers la campagne par des chemins longeant de petits canaux d’irrigations, sur lesquels on aperçoit des troupeaux de canards. Déjà plus de deux heures que nous roulons et Ben Tre n’est toujours pas en vue, pas même indiquée sur les panneaux en bord de route. Nous posons le pied non loin de l’entrée d’une petite église à la façade paille et jaune indien. Elle est décorée des petits fanions multicolores du Nouvel An. Impossible de la visiter, nous sommes accueillis par une meute de chiens qui accourent en aboyant.
Nous arrivons à Ba Vàt, petite ville comme il y en a tant sur le Mékong, engorgée de scooters sur la rue et les trottoirs. Une petite halle au marché près d’une pagode, une placette où l’on trouve quelques terrasses de café comme chez nous. Pas de minuscules chaises en plastique cette fois, des tables de bistrot bien alignées, cosy, comme on les aime. Au bord de la route, des étals de fleurs essentiellement des œillets que les badauds s’empressent de charger sur leurs scooters. Nous commandons des shakes à la fraise.Mais où sommes nous exactement ? Perdus dans le Mékong, en immersion dans la vie rurale sous le regard amusé des habitants du coin.
La route est encore longue et nous commençons à nous impatienter. Cela fait un petit moment que Jocelyn ne décroche plus un mot à l’arrière de la moto. Après plusieurs heures dans la circulation et la chaleur, je crois que s’en ait trop pour lui. Et Ben Tre est encore à au moins une vingtaine de kilomètres. Nous le ferons d’une traite. La petite carte fournie par Tito n’était pas du tout à l’échelle. Comment savoir que l’on s’embarquait pour soixante-dix kilomètres de route au minimum.
Longue route jusqu’à Ben Tre
Les derniers kilomètres avant Ben Tre sont insupportables, sur le pont qui enjambe le Mékong, nous prions pour arriver vivant de l’autre côté. La large avenue menant aux quais concentre un nombre hallucinant de deux roues, une vraie marée d’engins dans laquelle nous évoluons malgré nous, effrayés à chaque changement de voie, bloqués dans la spirale d’un rond point duquel on arrive à s’échapper on ne sait comment, entre un bus et dix autres motos. Tellement de bruit de klaxons qu’il est impossible de savoir qui prévient qui, quelle moto double ou vous tourne juste devant le nez.
A pied dans le centre, même combat, la foule partout qui déambule, qui vous appelle, qui bouscule. « Hey men, how are you ? Where do you come from ? ». Nous cherchons une pizzeria tenue par une vietnamienne qui a fait ses classes avec Baucuse. « Pizza ? Do you know where is it ? ». Personne n’a visiblement jamais entendu parler de cette fichue pizzeria. Pas sûr que quelqu’un ne comprenne un seul mot de ce que je dis. Tant pis, nous laissons tomber la pizza, n’importe quoi d’autre fera l’affaire, pourvu qu’on mange. Mais il n’y a rien dans le coin à part un marché de fringues et des bijouteries. Où alors juste quelques cuisines de rue trop sales pour que nous ne nous y aventurions. Pourtant l’odeur des brochettes au coin de la rue m’a chatouillée le nez, parfums d’épices et de viande bien grillée. Ce sera pour une autre fois. Vers le lac, en fait un bassin avec des poissons, nous stoppons dans un café pas loin de l’hôtel Dong Khoi. Rien à manger ! Désespérés, nous finirons par échouer dans un immense restaurant à étage avec carte à rallonge, sur le bord de la nationale 1. Certainement l’équivalent d’un Flunch de chez nous. Au moins nous aurons mangé !
Le Grand Soir >
2 Comments
Anna Dubois
16 août 2019 @ 10:25
Merci de votre partage. Et j’ai une suggestion pour votre voyage au Delta du Mékong. Vous pouvez visiter le Cambodge depuis le delta du Mékong. La découverte de deux pays d’un seul voyage. Et je vous conseille un itinéraire recommandé très intéressant https://vietnamdecouverte.com/itineraire-vietnam-cambodge-15-jours/.
Nicolas
12 septembre 2020 @ 2:31
Oh super article ! J’adore votre blog. Notre famille a l’intention de partir en voyage au Vietnam en 2021. Nous voulons visiter le delta du Mékong. Combien de jours on peut y rester ? Merci pour votre partage très intéressant !