Je me suis décidé à quitter Ras Al Jinz sur les coups de dix heures du matin, l’idée de la longue route qui m’attend me travaille déjà intérieurement. Je vais quitter la côte et m’enfoncer dans les terres, pour rejoindre vers 16 heures le village de Bidiya où j’ai normalement rendez-vous avec Obaïd, un bédouin de Wahiba. Sur le coin du pare-brise, je découvre une petite carte indiquant : « Votre voiture vient d’être nettoyée. Bon voyage, en espérant vous revoir bientôt ! » Je m’empresse de mettre en route la climatisation, mais en quelques minutes je suis déjà trempé de sueur. Mon ordinateur de bord indique 42°C, chaleur insupportable, qui empêche quasiment tout déplacement sans un bon jet d’air glacé sur la figure. Et pourtant, Dieu sait que je déteste la clim’, elle me rend malade, elle me fait tousser et me gratte abominablement la gorge. Je rejoins bientôt la route qui file vers Ras El Jinz, puis bifurque vers Sour pour rejoindre les collines martiennes qui déroulent jusqu’à la mer, un paysage déroutant auquel je ne parviens pas à m’habituer. Il est pourtant d’une beauté toute particulière, mais son étrangeté provoque chez moi une forte impression de vide, un vertige qui m’enivre au point de me faire perdre les pédales. J’enregistre sur mon smartphone mes impressions de voyage, comme pour me donner l’illusion d’une compagnie, aussi mince soit-elle. Plusieurs pick-ups déboulent à toute vitesse. Derrière moi, une omanaise en abaya me colle dangereusement en faisant des appels de phares. Je la vois dans mon rétroviseur, en train de vociférer, avant de finalement me doubler en donnant un grand coup d’accélérateur. J’approche bientôt de la mer après avoir traverser d’immenses étendues rocheuses aux couleurs rougeoyantes, qui paraissent carbonisées par la force du soleil. Je ferai une pause à Sour, l’une des villes les plus plaisantes de la côte, qui correspond en tout point à l’image que l’on peut se faire des villes d’Arabie. Petites ruelles étroites, ancien souk et maisonnettes à deux étages, blanches, jaunes et rouges, enduites en blanc ou beige, avec leurs portes en bois arrondies et de petits volets. Sorte de maisons pour poupées, sorties tout droit d’un conte des Mille et Une Nuits.
Un café à Sour
Je stationne en dessous du pont suspendu, près du chantier où l’on restaure les dhows, ces embarcations en bois traditionnelles, fleuron de la marine omanaise, qui servaient au commerce dans toute la région du golfe d’Arabie. Je m’enfonce ensuite dans Ayjah, en passant devant le fort, pour rejoindre la corniche, dominée par trois petites tours de guet couleur sable. J’ai voulu m’arrêter prendre un verre dans un petit coffee shop sur la plage, mais la terrasse était déjà pleine d’omanais en dishdasha, rigolant et conversant avec vivacité. Je me rapproche de l’ancien souk pour tenter de trouver une adresse consignée dans mon guide, mais personne ne semble connaître le café Bawadi. Ou alors je prononce encore mal. Je flâne au milieu de maisonnettes en ruine avant de rejoindre la route. Un 4×4 stationne à mon niveau, la vitre avant se baisse. « Vous semblez perdu ! » me dit l’homme installé au volant. Je lui demande la direction du café Bawadi. « N’allez pas là-bas, vous serez bien mieux sur la plage ! » Retour à la case départ, je boirai mon café à l’ombre d’un arbre, avant de reprendre la route.
Sortir des villes omanaises, c’est toujours toute une histoire, juste parce que rien n’est indiqué au bon moment. Un panneau signale de bifurquer à droite, alors que le croisement est déjà presque dépassé. A moins de donner un grand coup de frein, ou bien d’opérer un habile dérapage, l’embranchement est bien souvent raté. Et c’est bien évidemment dans ce genre de moment, que mon application GPS décide tout simplement de ne plus fonctionner. Me voilà donc reparti à tourner au hasard des rues, déversant intérieurement un dégueuli d’insultes et de préjugés absurdes sur les nouvelles technologies. Je finis comme chaque fois par m’arrêter dans une station essence pour demander mon chemin, ce que j’aurais dû faire dès le départ.
Jusqu’au Wadi Bani Khalid
A la sortie de Sour, la route 23 trace une longue ligne droite sur près de 57 kilomètres, le long du djebel Khamis, avant d’atteindre la bourgade d’al-Kamil. Ici la route peu rappeler en certains aspects les routes américaines, rectilignes et infinies, où défilent à toute vitesse d’immenses poids-lourds et de nombreux 4×4. Je suis maintenant coupé de tout, seul au volant, d’autant que ma recharge mobile vient encore une fois de se vider, sans que je ne sache vraiment pourquoi. J’estime distances et temps de trajet à la faveur de ma carte Reise, la plus précise que l’on puisse trouver en Europe, mais qui évidemment reste approximative. Le décor me rend fou et la route n’en finit plus, d’autant que l’horloge tourne à toute vitesse, il est déjà treize heures et je veux encore me rendre au wadi Bani Khalid pour déjeuner. Les kilomètres défilent alors que je chantonne les airs pop-rock diffusés sur Hi Oman, seule station anglophone de la bande FM. J’ai bien essayé les autres, mais j’avoue qu’au bout d’un moment, la musique traditionnelle et la répétition des surats du Coran me fatiguent, d’autant que je n’y comprends rien.
Encore d’immenses étendues de roche brunie, au milieu desquelles la route disparaît à la faveur d’un virage. Le soleil m’aveugle lorsqu’il miroite sur l’asphalte, le rendant semblable à une immense flaque d’eau, sur laquelle mon 4×4 glisse à vive allure. Une tornade de sable s’est formée sur ma gauche, soulevant gravillons et poussières le long de la route. Après 45 minutes de ce spectacle désolé, voilà l’embranchement qui mène jusqu’au Wadi Bani Khalid, il me reste tout juste deux heures avant mon rendez-vous à la station Shell de Bidiya, mais tant pis, je tente quand même l’aventure. De toute manière, je ne saurai pas vraiment où, à par là, prendre mon repas. J’avance vers nulle-part, je crois encore être perdu mais après 10 minutes, un écriteau Bani Khalid me rassure sur mon itinéraire. Le paysage devient montagneux et les couleurs me sautent aux yeux, rouges ténébreux, jaunes éclatants et intrigantes teintes de cuivre oxydé. Impressionnantes roches pointues qui par moment prennent d’étonnantes formes pyramidales. La route serpente encore une demi heure avant de redescendre à toute vitesse vers Wadi Bani Khalid, mais il est trop tard lorsque je trouve enfin l’accès aux piscines naturelles de la rivière. Je devrai rebrousser chemin après avoir pique-niquer sur une table en béton, au bord de la route. Dommage pour la baignade, mais l’itinéraire était exceptionnel, alors ma déception s’en trouvera amoindrie.
L’entrée du désert
Je trace à vive allure sur la route 23 de Sour à Bidiya, pressé de retrouver Obaid et surtout d’acheter une recharge téléphonique pour reconnecter avec le monde moderne. Et pourtant, en temps normal, cela m’aurait peu importé. Je suis plutôt du genre à laisser trainer mon téléphone portable dans un coin, jusqu’à ce qu’il se décharge, si bien qu’une grande partie de mon entourage à renoncer à me contacter par ce biais. Comme quoi, les vieilles habitudes peuvent disparaître à vitesse grand V. Par la vitre, j’aperçois de hautes collines orangées qui paraissent patinées, et qui se dissimulent derrière ce qui ressemble à un épais voile de poussière. Je réaliserai après plusieurs minutes que ce sont en fait les toutes premières dunes qui préfigurent le désert de Wahiba. D’abord je ne réagis pas, je reste comme figé devant cette vision que je ne parviens pas à expliquer. La plus grande étendue de dune que j’avais vu jusqu’à présent était la plage de l’Espiguette, dans le midi, longue d’environ, hum, cinq kilomètres ! Autant dire un confetti en comparaison des 12500 kilomètres carrés de Wahiba. Les dunes s’étendent à perte de vue vers le sud, je ne peux même pas évaluer précisément leurs tailles. J’ai voulu plusieurs fois quitter la route pour les rejoindre en voiture, mais là encore j’étais incapable de définir clairement si elles se trouvaient à quelques kilomètres de moi, ou bien beaucoup plus loin. J’atteindrai finalement la station Shell de Bidiya quelques minutes avant l’heure prévue, juste le temps de fumer une cigarette sur le bord de la route, puis d’aller attendre Obaïd devant un coffee shop…
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Sur la route 23 de Sour à Bidiya
Je me suis décidé à quitter Ras Al Jinz sur les coups de dix heures du matin, l’idée de la longue route qui m’attend me travaille déjà intérieurement. Je vais quitter la côte et m’enfoncer dans les terres, pour rejoindre vers 16 heures le village de Bidiya où j’ai normalement rendez-vous avec Obaïd, un bédouin de Wahiba. Sur le coin du pare-brise, je découvre une petite carte indiquant : « Votre voiture vient d’être nettoyée. Bon voyage, en espérant vous revoir bientôt ! » Je m’empresse de mettre en route la climatisation, mais en quelques minutes je suis déjà trempé de sueur. Mon ordinateur de bord indique 42°C, chaleur insupportable, qui empêche quasiment tout déplacement sans un bon jet d’air glacé sur la figure. Et pourtant, Dieu sait que je déteste la clim’, elle me rend malade, elle me fait tousser et me gratte abominablement la gorge. Je rejoins bientôt la route qui file vers Ras El Jinz, puis bifurque vers Sour pour rejoindre les collines martiennes qui déroulent jusqu’à la mer, un paysage déroutant auquel je ne parviens pas à m’habituer. Il est pourtant d’une beauté toute particulière, mais son étrangeté provoque chez moi une forte impression de vide, un vertige qui m’enivre au point de me faire perdre les pédales. J’enregistre sur mon smartphone mes impressions de voyage, comme pour me donner l’illusion d’une compagnie, aussi mince soit-elle. Plusieurs pick-ups déboulent à toute vitesse. Derrière moi, une omanaise en abaya me colle dangereusement en faisant des appels de phares. Je la vois dans mon rétroviseur, en train de vociférer, avant de finalement me doubler en donnant un grand coup d’accélérateur. J’approche bientôt de la mer après avoir traverser d’immenses étendues rocheuses aux couleurs rougeoyantes, qui paraissent carbonisées par la force du soleil. Je ferai une pause à Sour, l’une des villes les plus plaisantes de la côte, qui correspond en tout point à l’image que l’on peut se faire des villes d’Arabie. Petites ruelles étroites, ancien souk et maisonnettes à deux étages, blanches, jaunes et rouges, enduites en blanc ou beige, avec leurs portes en bois arrondies et de petits volets. Sorte de maisons pour poupées, sorties tout droit d’un conte des Mille et Une Nuits.
Un café à Sour
Je stationne en dessous du pont suspendu, près du chantier où l’on restaure les dhows, ces embarcations en bois traditionnelles, fleuron de la marine omanaise, qui servaient au commerce dans toute la région du golfe d’Arabie. Je m’enfonce ensuite dans Ayjah, en passant devant le fort, pour rejoindre la corniche, dominée par trois petites tours de guet couleur sable. J’ai voulu m’arrêter prendre un verre dans un petit coffee shop sur la plage, mais la terrasse était déjà pleine d’omanais en dishdasha, rigolant et conversant avec vivacité. Je me rapproche de l’ancien souk pour tenter de trouver une adresse consignée dans mon guide, mais personne ne semble connaître le café Bawadi. Ou alors je prononce encore mal. Je flâne au milieu de maisonnettes en ruine avant de rejoindre la route. Un 4×4 stationne à mon niveau, la vitre avant se baisse. « Vous semblez perdu ! » me dit l’homme installé au volant. Je lui demande la direction du café Bawadi. « N’allez pas là-bas, vous serez bien mieux sur la plage ! » Retour à la case départ, je boirai mon café à l’ombre d’un arbre, avant de reprendre la route.
Sortir des villes omanaises, c’est toujours toute une histoire, juste parce que rien n’est indiqué au bon moment. Un panneau signale de bifurquer à droite, alors que le croisement est déjà presque dépassé. A moins de donner un grand coup de frein, ou bien d’opérer un habile dérapage, l’embranchement est bien souvent raté. Et c’est bien évidemment dans ce genre de moment, que mon application GPS décide tout simplement de ne plus fonctionner. Me voilà donc reparti à tourner au hasard des rues, déversant intérieurement un dégueuli d’insultes et de préjugés absurdes sur les nouvelles technologies. Je finis comme chaque fois par m’arrêter dans une station essence pour demander mon chemin, ce que j’aurais dû faire dès le départ.
Jusqu’au Wadi Bani Khalid
A la sortie de Sour, la route 23 trace une longue ligne droite sur près de 57 kilomètres, le long du djebel Khamis, avant d’atteindre la bourgade d’al-Kamil. Ici la route peu rappeler en certains aspects les routes américaines, rectilignes et infinies, où défilent à toute vitesse d’immenses poids-lourds et de nombreux 4×4. Je suis maintenant coupé de tout, seul au volant, d’autant que ma recharge mobile vient encore une fois de se vider, sans que je ne sache vraiment pourquoi. J’estime distances et temps de trajet à la faveur de ma carte Reise, la plus précise que l’on puisse trouver en Europe, mais qui évidemment reste approximative. Le décor me rend fou et la route n’en finit plus, d’autant que l’horloge tourne à toute vitesse, il est déjà treize heures et je veux encore me rendre au wadi Bani Khalid pour déjeuner. Les kilomètres défilent alors que je chantonne les airs pop-rock diffusés sur Hi Oman, seule station anglophone de la bande FM. J’ai bien essayé les autres, mais j’avoue qu’au bout d’un moment, la musique traditionnelle et la répétition des surats du Coran me fatiguent, d’autant que je n’y comprends rien.
Encore d’immenses étendues de roche brunie, au milieu desquelles la route disparaît à la faveur d’un virage. Le soleil m’aveugle lorsqu’il miroite sur l’asphalte, le rendant semblable à une immense flaque d’eau, sur laquelle mon 4×4 glisse à vive allure. Une tornade de sable s’est formée sur ma gauche, soulevant gravillons et poussières le long de la route. Après 45 minutes de ce spectacle désolé, voilà l’embranchement qui mène jusqu’au Wadi Bani Khalid, il me reste tout juste deux heures avant mon rendez-vous à la station Shell de Bidiya, mais tant pis, je tente quand même l’aventure. De toute manière, je ne saurai pas vraiment où, à par là, prendre mon repas. J’avance vers nulle-part, je crois encore être perdu mais après 10 minutes, un écriteau Bani Khalid me rassure sur mon itinéraire. Le paysage devient montagneux et les couleurs me sautent aux yeux, rouges ténébreux, jaunes éclatants et intrigantes teintes de cuivre oxydé. Impressionnantes roches pointues qui par moment prennent d’étonnantes formes pyramidales. La route serpente encore une demi heure avant de redescendre à toute vitesse vers Wadi Bani Khalid, mais il est trop tard lorsque je trouve enfin l’accès aux piscines naturelles de la rivière. Je devrai rebrousser chemin après avoir pique-niquer sur une table en béton, au bord de la route. Dommage pour la baignade, mais l’itinéraire était exceptionnel, alors ma déception s’en trouvera amoindrie.
L’entrée du désert
Je trace à vive allure sur la route 23 de Sour à Bidiya, pressé de retrouver Obaid et surtout d’acheter une recharge téléphonique pour reconnecter avec le monde moderne. Et pourtant, en temps normal, cela m’aurait peu importé. Je suis plutôt du genre à laisser trainer mon téléphone portable dans un coin, jusqu’à ce qu’il se décharge, si bien qu’une grande partie de mon entourage à renoncer à me contacter par ce biais. Comme quoi, les vieilles habitudes peuvent disparaître à vitesse grand V. Par la vitre, j’aperçois de hautes collines orangées qui paraissent patinées, et qui se dissimulent derrière ce qui ressemble à un épais voile de poussière. Je réaliserai après plusieurs minutes que ce sont en fait les toutes premières dunes qui préfigurent le désert de Wahiba. D’abord je ne réagis pas, je reste comme figé devant cette vision que je ne parviens pas à expliquer. La plus grande étendue de dune que j’avais vu jusqu’à présent était la plage de l’Espiguette, dans le midi, longue d’environ, hum, cinq kilomètres ! Autant dire un confetti en comparaison des 12500 kilomètres carrés de Wahiba. Les dunes s’étendent à perte de vue vers le sud, je ne peux même pas évaluer précisément leurs tailles. J’ai voulu plusieurs fois quitter la route pour les rejoindre en voiture, mais là encore j’étais incapable de définir clairement si elles se trouvaient à quelques kilomètres de moi, ou bien beaucoup plus loin. J’atteindrai finalement la station Shell de Bidiya quelques minutes avant l’heure prévue, juste le temps de fumer une cigarette sur le bord de la route, puis d’aller attendre Obaïd devant un coffee shop…
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