Premiers pas à KL
Après 18 heures de voyage et une longue marche dans les couloirs de l’aéroport international de Kuala Lumpur (KL), nous voilà enfin arrivés. Il est neuf heures du matin en Malaisie alors qu’il n’est que cinq heures à Doha, et seulement trois heures à Paris. Un train et un bus, deux avions, trois aéroports dans trois pays différents, quatre repas, cinq points de contrôle, six films vus en boucle, et enfin le bout du voyage. On est déjà demain alors que nous sommes partis aujourd’hui. Fatigués, ils nous faut encore trouver la sortie, changer la monnaie, monter dans un taxi, rejoindre la ville puis chercher notre hôtel.
En sortant de l’aéroport, la moiteur typique des pays tropicaux nous prend à la gorge, les 24°c paressent tout de suite beaucoup plus chauds. Vite une cigarette! La respiration devient presque impossible. Toujours dans la course, nous sautons dans un teksi pour rejoindre Kuala Lumpur. Sur la route, les paysages ne sont pas tout à fait ceux auxquels je m’attendais. D’immenses palmeraies bordent la route, dans les années soixante le développement de la culture du palmier est décidée. Très rapidement des milliers d’hectares de nature sont défrichés pour cultiver cet arbre et en extraire l’huile de palme. Ainsi, dès la fin des années 70, la Malaisie devient le premier producteur mondial avec plus d’une tonne et demi récoltée.
Brice et Elsa sortent déjà leurs appareils photo pour ne rien rater de ces premiers instants en Malaisie. Le chauffeur, lui, reste fidèle à la devise des pilotes asiatiques qui dit : « Toujours plus vite ! Toujours plus près ! ». Je crois que Brice passe un sale moment à l’arrière, peut-être de mauvais souvenirs de Bangkok qui remontent.
Kuala Lumpur (KL) se dessine enfin dans la grisaille, mélange de nuages et de pollution. Une mégalopole ultra moderne qui semble bien calme et propre comparée à ses voisines asiatiques. Au XIXéme siècle, la quête de l’étain conduisit le sultan du Selangor à envoyer des prospecteurs au confluent des rivières Klang et Combak, endroit que les malais nommèrent immédiatement Kuala Lumpur, l’estuaire boueux. C’est le gouverneur Frank Swettenham qui, vers 1881, orchestra l’urbanisation de la ville qui avait jusqu’à lors la réputation de coupe gorge, rendez-vous du jeu et du vice, repère de la crapule et du ruffian. Aujourd’hui capitale du pays, cette métropole d’un million et demi d’habitants est une véritable vitrine de la puissance, de la réussite et de la modernité de la Malaisie.
Nous descendons aux pieds des impressionnantes tours Pétronas, comptant parmi les plus hautes du monde. L’air hagard, épuisés par le voyage, assommés par la chaleur, nous errons, totalement perdus au milieu des gratte-ciels. Nous ne verrons même pas la station du métro, pourtant juste sous notre nez. Après avoir tourné un petit moment au hasard, nous décidons de reprendre le taxi direction Jalan Raja Laut (littéralement « rue du roi de la mer »). Il doit être aux environs de dix heures du matin, il fait déjà très chaud, trop chaud. Nous découvrons la ville dans la fournaise et l’oxyde de carbone. Nous traversons de grandes cantines ouvertes sur la rue, avançant au hasard vers des stands où sont exposés toutes sortes de plats. Des odeurs fortes nous remontent dans le nez, les amas de poubelles à l’arrière des boutiques nous rebutent instantanément. Plus loin nous trouvons un petit restaurant qui ressemble plus à ceux que nous connaissons. Une petite terrasse, un comptoir, quelques tables. Il nous faut juste trois coca avant d’aller dormir. Des employés entrain de déjeuner nous dévisagent comme si nous sortions de la quatrième dimension.
Au Quality Hotel, Shakira la jeune stagiaire nous remet nos clefs et un bon pour le traditionnel cocktail de bienvenue. Incapables de faire quoi que ce soit, nous cédons à la fatigue, ignorant les avertissements du guide qui conseille pourtant aux voyageurs de ne surtout pas fermer l’oeil avant la fin de la journée. C’est apparemment le seul moyen de déjouer les pièges du décalage horaire.
La ville semble se réveiller avec la nuit, ses rues prennent une couleur différente à la lumière des enseignes des grands magasins. Ils diffusent de la musique en pleine rue comme pour attirer le client. On remarque cette petite boutique qui ne vend que des foulards, présentés sur des mannequins. Coloré, décoré, brodé, orné de perles, le voile est un véritable accessoire de mode qui se décline sous toute les formes. Nous nous arrêtons devant un petit bar où se prépare une démonstration de capoeira mais nous n’aurons pas la patience d’attendre le début du spectacle. Vite, vite, il faut marcher, avancer pour voir encore et toujours plus. Dans les allées du marché de Chow Kit nous nous sentons soudain seuls, je crois que nous sommes les seuls occidentaux ici ce soir. Assis à la table d’un stand de rue, l’appel à la prière, diffusé sur une chaîne de télé, nous rappelle que nous sommes en pays musulman. Nous prenons un soda que nous buvons chaud, n’osant pas demander de glaçons de peur de tomber malade dès le premier jour.
A quelques arrêts de monorail, Bukit Bintang contraste totalement avec le marché de nuit. Ce quartier à majorité chinoise se prépare à célébrer l’entrée dans l’année du lapin, lampions rouges et guirlandes décorent les rues. C’est l’effervescence. Les trottoirs sont bondés, les rues engorgées par les voitures, c’est sûr, cette fois-ci, nous sommes en Asie ! Les grandes enseignes américaines ont pignon sur rue et attirent touristes, baroudeurs, badauds et habitants de KL. Les occidentaux sont nombreux sur les terrasses des établissements de la rue principale qui affichent des prix terriblement élevés. C’est aussi le coin des hôtels et des pensions bon marché, un peu comme la Khao San Road à Bangkok.
En s’aventurant dans l’un des nombreux centres commerciaux du coin, on découvre un temple des nouvelles technologies. Les malais, semble-t-il, sont eux aussi férus de téléphonie, d’informatique et de télévision, à l’image de leurs voisins chinois, japonais ou coréens. Bukit Bintang, la colline aux étoiles, étale toute la démesure des villes asiatiques avec ses buildings colorés, ses centres commerciaux gigantesques et ses avenues à six voies.
En s’éloignant un peu des grandes artères pour aller dîner, nous tombons sur une allée de restaurants chinois. Les terrasses faites de tables et chaises en plastique jaune ou bleu sont installées à même la rue. Le repas est animé par des musiciens de rue qui, si talentueux soient-ils, sont avant tout loufoques et complètement décalés. Eclats de rire. De tables en tables, le petit convoi d’hommes en fauteuil roulant anime la foule en reprenant des classiques de la variété, bien connus des occidentaux.